
Il y a quelques années, je pensais que quoi qu’il en coûte je serais mère. Je pensais que cela faisait partie de mon essence, de celle que j’étais au fond de moi. Il me semblait donc tout à fait normal de faire appel à une banque de spermes. J’estimais que mes rencontres amoureuses ne devaient pas se vivre sous le prisme de la construction d’une famille. Mon envie d’enfant était personnelle et par conséquent j’avoue que ne me venait pas forcément l’idée que je devais la partager. Même si bien sûr cela m’aurait plu de partager ce projet. Néanmoins, je ne voulais pas mettre cette « pression » à l’autre que je rencontrerai.
Il s’avère que d’une je n’ai rencontré personne, de deux j’ai profondément changé d’idée. Les années ont passé et je n’ai jamais franchi le cap. Je me suis rendue compte que je n’étais pas quelqu’un de maternel. Je suis protectrice mais pas maternelle. Cette envie d’enfant, après réflexion, était vraiment plus une pression implicite que je me mettais par rapport à la société, à mon genre, à mon âge et aussi aux attentes de ma famille qui souhaitait me voir construire ma vie. Mais au fond, je ne voulais pas avoir d’enfant. Je n’ai pas envie de voir ma vie bousculée, je dirais même bouleversée. J’aime ma vie, mon rythme, mon indépendance, ne penser qu’à moi. Néanmoins, je respecte tout à fait ceux qui font ce choix. Une de mes amies vient d’être maman et elle est encore plus rayonnante (et j’avoue que je ne pensais pas que ce soit possible).
Et justement, je pensais à ces femmes qui souhaitent avoir des enfants mais qui ne peuvent pas en avoir. Qui ont cette envie viscérale de porter un enfant, de sentir la vie en elles se développer et pourtant en être privées. Après plusieurs mois de réflexions, je me suis décidée en septembre dernier a entamé un parcours de don d’ovocytes.
Comme souvent chez moi, je me lance dans quelque chose sans jamais creuser le sujet. J’ai donc eu le droit le long de mon parcours à quelques surprises et bouleversements intimes.
Premier rendez-vous pris en septembre 2019 au service de la maternité de Nantes (https://www.chu-nantes.fr/don-d-ovocytes-2), plus précisément au service de la biologie de la reproduction. La médecin qui me reçoit me demande si je suis sûre de mon choix, si je souhaite que mon don soit anonyme, si j’aimerais faire congeler quelques ovocytes (en fonction du nombre d’ovocytes prélevés) et quand je souhaite faire le don. Je suis également surprise de découvrir sur les formulaires : si, lors de recherches sur votre caryotypes, nous décelons une maladie, souhaitez-vous en être informée et souhaitez-vous en informer votre famille ? Je n’étais préparée à aucune de ces questions. J’ai donc mis oui pour la possible maladie (c’est assez angoissant et déstabilisant de se dire que c’est déjà inscrit dans notre ADN), non à l’anonymat (je peux comprendre tout à fait que le ou les possibles enfants qui naîtront de mon don ai.ent envie de connaître leurs origines même si j’avoue que pour moi la portée n’est pas du tout la même entre le don d’ovocytes et le don d’un enfant). Pour information concernant l’anonymat, la loi sur la levée de l’anonymat n’est pas encore passée mais au cas ils posent la question. Si on refuse et que la loi passe nos ovocytes ne seront pas utilisés. Et je me suis dit : »faire tout ce parcours pour finalement « rien », non merci ». Et enfin, honnêtement je pensais que cela prendrait un an pour mon don. (Une amie à moi qui a commencé le parcours sur Paris en avait pour un an). J’ai répondu : le plus tôt qui vous arrange. Très bien, ce sera donc pour février 2020. J’ai eu le même jour un rendez-vous avec une généticienne pour vérifier les antécédents médicaux jusqu’à la génération de mes grands-parents. Et enfin une prise de sang pour vérifier mon caryotype.
En décembre 2019, j’ai rendez-vous avec une psychologue. Nouvelle surprise. En effet, je n’ai jamais entendu dire que les hommes quand ils donnent leur sperme sont obligés d’aller voir d’abord le psychologue de la banque de sperme. Et je me rends compte alors de la différence de perception entre le don de sperme et d’ovocytes. On estime qu’une femme va forcément être impactée par son don d’ovocytes, parce que bon tout le monde le sait, une femme est faite pour avoir des enfants donc savoir que peut-être ses ovocytes vont donner naissance à un ou des enfants va forcément la bouleverser… Contrairement à l’homme et son don de sperme. Pourtant personnellement, ce n’est pas mon cas. Je n’ai à aucun moment pensé que je donnais un enfant. J’ai donné des ovocytes comme si c’était un don de sang. Bien sûr que cela aurait été bien différent si j’avais porté 9 mois un enfant. Mais là ce n’était pas du tout le cas. La psychologue était néanmoins très sympathique, très à l’écoute, très bienveillante. Le rendez-vous a duré 1h environ. Et honnêtement, j’en suis ressortie reboostée et fière.
Puis en janvier ont eu lieu les premiers rendez-vous pour les premières prises de sang, vérifier mon cycle. Tout était bon, il était temps d’entrer dans le vif du sujet. J’ai donc commencé à recevoir chaque soir des injections de bemfola qui facilite l’ovulation et favorise le développement des follicules contenant les ovules. Je prenais également du duphaston pour éviter d’ovuler sinon mes ovocytes auraient perdus… Ce qui aurait été dommage, n’est-ce pas ? Cela a duré environ trois semaines. J’avais également deux fois par semaine des rendez-vous au service de la biologie de la reproduction où j’avais une échographie et une prise de sang. Cela permettait de suivre l’évolution de mes ovocytes. Qui étaient de vrais paresseux et qui ont mis du temps à se développer… d’où les trois semaines d’injections d’hormones.
Je ne prenais plus aucune hormone depuis 3 ans. En effet, depuis mon arrivée à Nantes, j’ai voulu me désintoxiquer, laisser mon corps libre. Et mon corps m’a remercié : des cycles très réguliers, une seule journée douloureuse et des règles moins longues. Du coup, ces injections d’hormones m’ont vraiment physiquement bouleversé. Beaucoup de fatigues. Psychologiquement j’étais déjà dans une période où j’étais fragile. Ça a été un peu comme un coup de massue. Je dormais énormément et pour autant, rien n’y faisait. J’étais fatiguée tout le temps. Et puis mon corps a changé. Je ne suis pas mince, loin de là. Mais il s’est alourdi, j’ai gonflé. Donc entre la fatigue, le moral pas vraiment au beau fixe et mon corps complètement bouleversé, ça n’a pas été une période très facile. Et toutes ces personnes qui n’arrêtaient pas de me dire à quel point elles étaient admiratives de mon geste… ça a été difficile de l’accepter. De plus j »ai découvert qu’on ne pouvait prélever que des ovocytes qui mesuraient environ 2cm (c’est grand comme un raisin quand même. Je me suis donc imaginer avoir des vignes dans mes ovaires). Et comme mes ovocytes étaient des paresseux, et bien les injections d’hormones ont duré pas mal de temps. Et puis finalement, deux jours avant mon don, j’ai arrêté le bemfola pour avoir une injection d’hormones plus importantes pour préparer le don du surlendemain.
Vendredi matin, jour de mon don arrive. Je suis attendue à l’hôpital vers 7h30. On est venu me chercher dans ma chambre individuelle vers 9h et je suis revenue vers 10h30. Normalement, c’était une anesthésie locale avec une sédation supplémentaire. J’avais pas mal d’ovocytes (une vingtaine il me semble). Mais voilà, les médecins n’ont pu en prendre que 5 d’un côté et rien de l’autre car mon utérus s’est plaqué à l’un de mes ovaires ce qui a empêché le prélèvement. Donc en plus d’être paresseux, mon corps joue à cache cache. A cause de cela, la sédation a été plus importante que prévue. L’infirmière a alors refusé que je rentre chez moi si personne n’était disponible. Et personne n’a été disponible. Je pense qu’au-delà de l’épuisement dû au don et à ce parcours, ce qui a été le plus difficile ça a été finalement de me retrouver seule. Personne n’a été disponible pour rester avec moi à mon retour à domicile. J’ai à partir de là encore plus rejeté « l’admiration » des gens pour mon don. Je ne suis rentrée chez moi que le samedi matin, seule.
Tout le long du parcours, les sages-femmes, les infirmières, les médecins ont été très agréables, attentionnées, à l’écoute et reconnaissantes ce qui était assez déstabilisant aussi. Cela a été une sacré expérience, très intense. Les symptômes (fatigue et corps gonflé) ont duré plusieurs semaines après le don. Trois mois après, je commence seulement à me sentir mieux dans mon corps et moins fatigué. Ce que je n’avais pas pris en compte non plus c’est qu’avec toutes ces hormones forcément le moral allait aussi descendre à la fin des injections.
Ce parcours de don c’est bien plus qu’un don d’ovocytes, c’est vraiment un don de soi. Et j’espère que cela rendra heureux une ou deux femmes. Je pense que je recommencerais d’ici un an parce que je comprends à quel point cela peut sembler vitale pour certaines femmes et puisque j’en ai la possibilité, autant les rendre heureuse.
Et comme je l’ai dit, j’ai fait ce parcours sans attendre de retour ni même pour une personne spécifique. C’est pourquoi lorsqu’une semaine après, un livreur m’a remis une boîte aquarelle, j’ai été extrêmement touchée. Le service de la biologie de la reproduction, pour me remercier de mon don, m’a fait livrer un magnifique bouquet de roses (il devait y en avoir une trentaine) ainsi qu’un bouquet de narcisses. Et pour moi, cela a été un magnifique cadeau qui m’a profondément bouleversé.
Très bel article et très touchant, raconté comme vous le faites…. J’apprécié également beaucoup les Fleurs pour conclure…. Merci pour Elles…., et je vous souhaite d’un jour recevoir une lettre, un appel et/ou une visite…
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Merci 🙂
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Merci pour ce témoignage.
J’ignorais tout de tout cela. Quel parcours ! Bravo. Et merci pour celles et ceux qui en bénéficieront.
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Merci à vous. Je suis ravie d’avoir pu par mon témoignage fait découvrir le parcours du don 😊 et j’espère que cela amènera d’autres femmes à se lancer.
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