De l’intérêt des nuances

Je ne suis pas dans les demi-mesures. Je suis souvent tout blanc ou tout noir, très excessive. Je suis entière. Les nuances de gris pour moi, c’est une notion floue. Je la comprends pour les autres, je les guide pour nuancer leur vision du monde, leur rapport aux autres ou leur vie. Mais moi, non. Et pourtant, parfois, les nuances sont surprenantes et bien-venues.

Il faut savoir que je suis une séductrice. Pour moi, c’est très souvent un jeu sans conséquence. Enfin la majorité du temps… Comme pour beaucoup, le COVID et le confinement qu’il a engendré a eu un impact bouleversant dans ma vie. La relation que j’avais avec un contact de travail a complètement changé.

Il y a quelques mois, nos échanges étaient à travers des Monsieur – Madame et des vouvoiements. Mais cela me semblait un peu guindé pour un contact que j’avais régulièrement au téléphone. J’ai donc commencé par l’appeler par son prénom quand je lui disais bonjour. J’avoue que j’appréciais le sourire dans sa voix quand il se rendait compte que c’était moi. Et puis, un jour par erreur je l’ai tutoyé. Nous sommes donc passé au tutoiement. Arrive la période de confinement, j’avoue que je m’ennuie un peu malgré le travail qui est intense. Surtout parce que je suis seule et que mes collègues ne sont pas là pendant les pauses. Nous échangeons alors beaucoup sur le cinéma et les séries. C’est un sujet que je trouve universel et facile pour amorcer des échanges. Arrive le week-end de Pâques. Le vendredi qui le précède, nous débattions sur le fait que le James Bond pourrait finalement devenir une femme. Je n’avais pas envie de finir ainsi et d’attendre trois jours son avis. Alors, sur un coup de tête (comme très souvent avec moi), je lui ai transmis mon adresse mail personnelle afin que nous continuions à échanger.

Vendredi soir passe, samedi passe, arrive le dimanche et le premier mail. Nous passons alors la journée à échanger. C’était très agréable et le début d’échanges intenses. Chaque jour c’était facilement une centaine de mails échangés. Puis au bout d’une semaine, nouvelle étape. Nous nous appelons. Nous restons 2h30 au téléphone. Cela se passe bien. Très bien même. Le lendemain nous échangeons pendant 3h, sans compter les mails. Commence alors une belle relation entre sms, mails, appels. Il faut savoir que j’ai refusé dès le départ d’avoir une photo ou de nous appeler en visio. Je souhaitais autre chose, le découvrir (et qu’il me découvre) autrement. Les sites de rencontre et donc la première impression liée à la photo, je connaissais. Et je ne voulais pas de cela. J’avais envie d’une autre relation, quelque chose que je ne connaissais pas, bien plus liée à ce qui nous constitue intimement et non basée sur l’apparence. Il a accepté et a lui aussi refusé toute image de moi.

Et sans que je m’en aperçoive, mes sentiments se développent. Je tombe amoureuse. Dans toute mon excessivité, sans filtre, entièrement. Nos échanges sont simples mais aussi profonds. Il est sûr de lui mais sensible et à l’écoute. Nous avons de beaux rires J’ai quelques larmes. Il arrive à me mettre à nu. Je montre ma vulnérabilité, j’exprime mes peurs, mes besoins et cela est reçu comme un cadeau. Cela m’émeut, me galvanise. Me donne des ailes.

La période de déconfinement arrive et nous nous voyons enfin. Nous devions nous voir sur Guérande, à mi chemin entre chez lui et chez moi. Mais le jour de notre rencontre, d’un commun accord, nous décidons que nous préférions nous rencontrer chez moi. Cela le rassure et moi également. Nous serons dans un endroit intime. Pour notre rencontre, cela nous semblait évident. Il arrive, passe le week-end à la maison. Et c’est une catastrophe.

Nous n’arrivons pas à dialoguer, à trouver notre équilibre. Je suis tendue, il ne sait pas où se placer dans l’appartement. Nous ne trouvons pas notre rythme. Il repart, plutôt heureux. Moi par contre, je suis déçue. Mes sentiments très forts se confrontent à ma déception, à cette rencontre physique qui ne me semble pas à la hauteur de ce que je ressentais, de cette connexion que nous vivions jusque là. Je suis totalement perdue. En moi ce sont les montagnes russes. Je me maudis de me concentrer sur le physique et de voir que cela occulte mes sentiments. Je ne sais pas quoi faire. Je me sens écartelée.

Mes amies qui me connaissent et sont à mon écoute me parlent d’une seconde chance. Que parfois ce n’est pas toujours la première fois la bonne, que parfois le « feeling » n’est pas là mais qu’on peut être agréablement surprise. Je suis la première à le dire. Mais pour les autres. Moi les secondes chances ne me parlent pas. Je suis dans le coup de foudre, dans l’immédiat. Attendre, prendre le temps, cela me semble flou. Surtout quand il s’agit d’une relation amoureuse. Je me dis que cela va me demander trop d’énergie. Cette énergie que je souhaite entièrement utiliser pour mon développement personnel et pour mon.es projet.s personnel.s. Et je suis persuadée (si si je connais l’importance des pensées positives et négatives) que cela ne peut pas fonctionner. Je m’ennuie vite, j’ai besoin d’être stimulée. Je peux être rugueuse, excessive,… Et je n’aborde même pas la relation que j’ai à mon corps. Je me dis que je suis une imposture. Que cet aspect solaire, cette attraction que je dégage n’est qu’une illusion et que lorsque l’on creuse, et bien c’est autre chose. Comme la différence quand je suis maquillée et démaquillée. Mes amies ont beau me dire que je suis la même, j’ai beaucoup de mal à le croire, à l’intégrer profondément en moi. Même si j’y travaille. Il faut dire que le fait de n’avoir vécu qu’une seule relation sérieuse et de n’être qu’une très rapide passade pour les différents hommes rencontrés ne m’aident pas à penser que je suis quelqu’un avec qui on souhaite construire une relation. Et pourtant ce n’est pas le cas dans le cadre de l’amitié. J’en ai parfaitement conscience.

Par rapport à mon histoire, je n’ai que deux hommes dans ma vie que je pourrais placer dans la « case » amicale. Et eux-aussi m’ont conseillé de découvrir ce qui pourrait arriver si je laissais une seconde rencontre se faire. Qu’il n’est pas forcément évident d’arriver sur le territoire de quelqu’un, d’autant plus quand ce quelqu’un est indépendante comme moi et a une identité assez forte. Que je devais lui laisser le temps de s’exprimer, de prendre se déployer.

Mais les jours passent, la richesse de nos échanges se tarit et devient sans saveur. Je lui demande du temps, il prend peur et ne me laisse pas d’espace. Et marche sur des œufs. Ce que j’ai toujours eu beaucoup de mal à accepter. Je pense qu’inconsciemment je me suis refermée, je me suis barricadée et je l’ai rejeté… Et j’ai tout fait pour qu’il se lasse. Au bout d’une dizaine de jours, je lui tends finalement une perche où je lui demande si c’est parce qu’il ne sait plus comment se comporter avec moi qu’il ne m’appelle plus. Le lendemain, il m’appelle. Je lui dis que mes sentiments ne sont plus là, que je n’ai pas ressenti cette connexion quand nous nous sommes vus, que depuis deux semaines je ne me focalise uniquement sur nos différences. Je suis rugueuse mais franche. Mais lui y croit, ne pense pas que des sentiments forts peuvent disparaître aussi rapidement, qu’il est important de se faire une seconde opinion pour ne pas rester sur un sentiment d’échec. Étonnamment, la conversation recrée un lien qui pour moi avait disparu.

Finalement, j’accepte une nouvelle rencontre. J’accepte de lâcher-prise, de me laisser surprendre. De découvrir si les nuances sont si intéressantes. Et elles le sont. Cette rencontre a été plus évidente, plus naturelle, plus simple. J’ai découvert qu’il avait besoin de me matérialiser pour avoir confiance, se sentir à l’aise et libre de s’exprimer. C’est un week-end qui m’offre de nouvelles perspectives, qui me dit : et pourquoi pas ? Il me donne envie de lâcher-prise et de me laisser surprendre. Que ce soit pour un mois, 6 mois, un an ou plus. Qu’importe la durée. J’ai reçu un cadeau. Celui d’être surprise. Je remercie l’univers d’être si bien entourée, d’avoir des amis à mon écoute et qui m’aident chaque jour à grandir, à me remettre en question et qui m’accompagnent dans le lâcher-prise. Parce que grâce à eux, je découvre la saveur des nuances.

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